Par Jean-Michel Cecconi, Partenaire Expert 37.5 en Business Integration Strategy.
Les motivations d’une opération de croissance externe sont multiples mais ont en commun la volonté de créer de la valeur par l’atteinte d’objectifs stratégiques. Les principales motivations sont les suivantes :
- Croissance des ventes
- Synergie des coûts
- Acquisition nouvelle technologie / innovation
- Acquisition compétences / savoir-faire
- Amélioration structure financière
- Expansion sur un nouveau marché
- Diversification
- Alliance stratégique
- Acquisition brevets
- Acquisition marques
Quel que soit la stratégie retenue, l’opération de croissance externe va se concrétiser par l’acquisition d’une entreprise qu’il faudra intégrer dans la structure existante de l’acquéreur. L’intégration peut être simplifiée ou totale, et devra relever des défis liés au processus d’intégration. Ces défis sont multiples et spécifiques à chaque contexte d’entreprise. Cependant, trois défis sont à considérer comme la clé de voute du processus d’intégration :
- Une stratégie d’acquisition et des objectifs clairs,
- Un leadership associé à une communication de la vision à toutes les parties prenantes,
- Un alignement des cultures des entreprises.
En complément de cette clé de voute, d’autres défis sont à relever que l’on peut regrouper en quatre familles : le projet d’intégration, les hommes, les clients / fournisseurs et enfin l’efficience.
Pour répondre et surtout atteindre les objectifs stratégiques de croissance externe et relever les défis managériaux qui se présentent, il va falloir choisir la stratégie d’intégration adaptée et mettre en place une gouvernance de projet. Trop d’opérations de croissance externe ratent leur objectif initial de création de valeur. L’estimation des succès ne dépassent pas 50%, d’où l’importance de bien préparer son projet d’acquisition et d’intégration. Une approche trop technique et juridique ne donnera pas les résultats escomptés à terme.
Selon Olivier Meier et Martine Story, il existe trois stratégies possibles d’intégration :
- Stratégie de préservation : adaptée dans le cas d’intégration d’activités différentes, qui nécessite un temps d’observation et de prise de connaissance.
- Stratégie de rationalisation : adaptée dans le cadre d’activités similaires, ou redondantes. La recherche de l’efficience par une rationalisation des structures, produits et activités commerciales des entités acquises et acquérantes.
- Stratégie de symbiose : adaptée dans le cas d’intégration d’entités complémentaires (ressources, produits, technologies, …) qui grâce à une recherche de combinaison pertinente entre les deux structures et dans une logique de co-construction, vont favoriser l’innovation. Cela va requérir d’accepter de modifier ses pratiques managériales, de développer l’apprentissage par la combinaison des ressources et de valoriser les différences au lieu de les renier.
A chaque stratégie de croissance externe, il est possible de faire correspondre une stratégie d’intégration préférentielle. Toutefois, un projet d’intégration peut nécessiter de combiner différentes stratégies selon les phases. Par exemple, lors de l’acquisition on peut parfaitement débuter par une phase de préservation afin de découvrir la cible acquise, de la comprendre, puis de rationaliser ce qui doit l’être comme les fonctions support ou d’autres fonctions dans l’entreprise, avant de développer une stratégie de symbiose pour favoriser l’innovation et accélérer la création de valeur recherchée initialement dans le projet de croissance externe.
La figure ci-dessous présente les associations préférentielles à chaque stratégie de croissance externe :
Il ne s’agit bien évidemment pas d’une règle immuable, la nature de chaque projet d’intégration, la maturité des équipes et des entités, les enjeux du marché et bien d’autres paramètres endogènes ou exogènes peuvent venir modifier ces associations. La phase de préparation préalable est indispensable pour bien qualifier la nature du projet.
Autant, la décision de la stratégie d’acquisition ne dépend que de l’actionnaire, propriétaire de la société acquérante, autant la stratégie d’intégration devient un travail de spécialiste. Certaines sociétés qui se développent à répétition par croissance externe, ont constitué en interne des équipes et méthodologies efficaces qui peuvent réaliser ce travail.
Cependant, la plupart des entreprises ne disposent pas de ces compétences en interne et ne doivent pas se risquer seules. Toujours selon Meier et Story, il existe dix facteurs clés de succès à une intégration réussie :
Pour porter un projet d’intégration, une gouvernance spécifique doit être mise en place. Pour diriger cette gouvernance, certaines sociétés font le choix de nommer un manager interne. Si la solution est envisageable, elle n’apporte pas que des éléments favorables à la réussite. Ce manager est par nature perçu, attaché à son entité d’origine, et un manque d’objectivité et de neutralité peut lui être attribué, à tord ou à raison. Souvent, il n’est pas aguerri à ce type de projet très spécifique, et peut ainsi être mis en difficulté.
Pour diriger un projet d’intégration, il faut disposer de compétences avérées dans plusieurs domaines dont les principaux sont une vision stratégique, un leadership et une expertise dans la gestion du changement et des projets, une capacité à communiquer avec toutes les parties prenantes et à mener des négociations complexes, mais également des compétences fonctionnelles larges pour intégrer les contraintes financières du projet, et s’assurer de la bonne intégration des business process et de leur optimisation.
D’autres sociétés font appel à une ressource externe, souvent sous la forme d’un manager de transition dans le cadre d’une prestation de conseil. Les managers de transition ont une parfaite maitrise d’un socle métier et une connaissance 360° du fonctionnement de l’entreprise au sein de plusieurs organisations. Ils apportent, une maturité dans le management, un goût pour relever les challenges, une approche pragmatique et opérationnelle libérée de tout enjeu personnel ainsi que d’une envie de transmettre leur savoir.
Dans un projet d’intégration, l’apport du manager de transition est multiple. Il va apporter en plus des éléments décris ci-dessus, une sécurité grâce à son expertise, en minimisant les perturbations et les risques. Il va à la fois apporter une efficacité et une rapidité en mettant en œuvre des solutions connues et déjà éprouvées, tout en proposant des solutions personnalisées. Le manager en charge de la direction d’un projet d’intégration est un véritable chef d’orchestre qui doit à la fois avoir une compréhension globale des enjeux, et une capacité à amener tous les acteurs impliqués à fonctionner à l’unisson pour atteindre, in fine, les objectifs de création de valeur attendus.
Un projet d’intégration d’entreprise est toujours lié à des enjeux financiers à court, moyen et long terme importants. Une intégration mal préparée ou pas correctement menée peut créer des dysfonctionnements majeurs dans les deux entités. Un mal être des salariés qui se sentent en risque ou déboussolés, une dette d’acquisition difficile à rembourser, des différences culturelles qui freinent le développement du nouvel ensemble. Les conséquences se retrouveront dans un retour sur investissement inférieur aux attentes, voire jusqu’à mettre en péril l’avenir des deux entités. Dans le coût du projet, un budget doit être alloué à la phase d’intégration qui suivant la complexité peut durer de 6 mois à 24 mois. Le coût du projet ramené à l’investissement global et aux risques reste finalement, très limité.
Sources :
« Croissance externe des entreprises : les stratégies d’intégration gagnantes » de Olivier Meier et Martine Story.
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